Frelon Asiatique ou Européen ? Guide Complet pour les Reconnaître

Portrait-robot : qui est qui ?

Le frelon européen, notre voisin de toujours

Vespa crabro – le frelon européen – fait partie de notre patrimoine naturel depuis des millénaires. Nos grands-parents le connaissaient déjà, et leurs grands-parents avant eux. C’est un insecte imposant, certes, mais qui a toujours cohabité paisiblement avec l’homme et les abeilles.

Contrairement aux idées reçues,il n’est pas l’ennemi des apiculteurs. Il s’attaque occasionnellement à quelques abeilles, c’est vrai, mais c’est totalement anecdotique. Il préfère largement s’en prendre aux mouches, aux guêpes et à d’autres insectes. Mieux encore, il régule naturellement les populations de fausses teignes de la cire, ces papillons voraces, parasites et redoutables qui ravagent nos cadres de ruche en se nourrissant de la cire des rayons et de leurs contenus pendant leur développement. Un allié inattendu, en somme.

Le frelon asiatique, l’envahisseur venu d’Asie

Tout a commencé en 2004 dans le Lot-et-Garonne. Un conteneur de poteries chinoises aurait introduit accidentellement quelques femelles. Vingt ans plus tard, Vespa velutina – le frelon asiatique – a colonisé la quasi-totalité du territoire français, remontant inexorablement vers le nord et l’est.

Ce qui le distingue fondamentalement de son cousin européen et le range du coté des nuisibles, c’est son comportement de prédation ultra-spécialisé. Devant une ruche, le frelon asiatique adopte une technique dévastatrice : le vol stationnaire prolongé. Il peut rester suspendu pendant plusieurs minutes à l’entrée, attendant patiemment qu’une abeille chargée de pollen revienne au nid. L’attaque est fulgurante. La décapitation, quasi systématique.

J’ai vu des colonies entières cesser toute activité de butinage à cause de la présence continue de ces prédateurs. Dans cette situation, les abeilles restent cloîtrées. Le stress de la colonie monte et les réserves s’épuisent. Sans intervention, c’est la mort programmée de la ruche. Les pertes économiques sont bien sur considérables, mais au-delà de l’aspect financier, c’est toute la pollinisation locale qui s’effondre.

Les pièges à éviter lors de l’identification

La première erreur est de se fier uniquement à la taille. Oui, le frelon européen est généralement plus gros, mais une ouvrière de Vespa crabro peut être plus petite qu’une reine de Vespa velutina. Prise seule, la taille n’est donc pas un critère fiable.

Deuxième piège : croire que tous les gros insectes rayés sont des frelons. Certaines espèces de guêpes, notamment les polistes, peuvent atteindre une taille respectable, qui pourrait les faire passer pour des frelons. Apprenez à observer les détails morphologiques plutôt que de vous fier aux impressions générales.

Enfin, méfiez-vous des photos de mauvaise qualité circulant sur internet et les réseaux sociaux. On identifie pas formellement un frelon asiatique à partir d’un cliché flou pris à cinq mètres de distance. Dans le doute, photographiez l’insecte de près (mais prudemment), et faites valider par un spécialiste ou un référent local.


Les signes qui ne trompent pas

Couleurs et morphologie : les détails qui comptent

Le frelon européen présente un abdomen jaune vif avec des bandes noires bien marquées. Son thorax tire sur le roux-brun et sa tête est majoritairement jaune-orangé. Quand il vole, on aperçoit ses pattes brun foncé qui restent repliées sous le corps. L’ensemble dégage une impression de « grosse guêpe dorée ».

Le frelon asiatique, lui, joue la carte de la discrétion chromatique. Son corps est majoritairement noir ou brun très sombre. Le thorax est entièrement noir, velouté. L’abdomen présente un seul gros anneau orange-brun, généralement sur le quatrième segment. La tête est orange vue de face, mais attention : le front reste noir, ce qui donne cette impression de « masque ». Et le détail immanquable : ses pattes sont jaune vif à l’extrémité. En vol, elles pendent derrière le corps, bien visibles.

Pour résumer simplement : si l’insecte est globalement sombre avec un seul anneau clair et des pattes jaunes pendantes, c’est l’asiatique. S’il est globalement clair avec plusieurs bandes noires, c’est l’européen.

Façon de voler : une signature comportementale

Ici la différence est spectaculaire pour qui sait observer. Le frelon européen vole comme un bombardier lourd : trajectoire directe, puissante et un peu maladroite. Il ne fait pas dans la finesse et quand il arrive sur une source de nourriture, il se pose. Point final.

Le frelon asiatique est quand à lui un chasseur né. Son vol est précis, agile et presque gracieux malgré sa taille. Mais surtout, il maîtrise parfaitement le vol stationnaire. Une fois, devant mes ruches, j’ai chronométré des individus restant immobiles en l’air pendant plus de deux minutes, à vingt centimètres de la planche d’envol. Cette capacité quasi inexistante chez l’européen est LA signature comportementale de Vespa velutina.

Autre différence notable : l’européen vole aussi la nuit, attiré par les lumières. Si vous voyez un frelon tourner autour de votre lampe de porche à 23 heures, c’est forcément un européen. L’asiatique cesse toute activité dès que la luminosité baisse et reste confiné dans son nid jusqu’au lendemain matin.

Couleurs et morphologie : les détails qui comptent

Où et quand les observer ?

Le frelon européen apparaît au printemps, généralement à partir de mai. Les reines fondatrices des nids émergent quand les températures se stabilisent au-dessus de 15°C. On les croise souvent près des tas de bois, des vieux arbres ou dans les greniers où elles cherchent un site de nidification.

Le frelon asiatique quand à lui sort beaucoup plus tôt. Dès fin février ou début mars, si l’hiver a été doux, les premières reines sont actives. Cette précocité leur donne un avantage compétitif considérable : elles vont monopoliser les meilleurs emplacements avant que l’européen ne soit réveillé. A noter par ailleurs que ces reines asiatiques sont nettement plus grosses – jusqu’à 4 centimètres – que leurs homologues européennes qui atteignent environ 3 centimètres.

En ce qui concerne la localisation, le frelon asiatique affectionne particulièrement les zones urbaines et péri-urbaines. Jardins, parcs, alignements d’arbres en ville… Il s’adapte remarquablement bien à la proximité humaine. L’européen préfère de son coté les milieux plus forestiers, plus sauvages.


Que faire en cas de doute ?

Si malgré tous ces critères vous hésitez encore sur l’identification d’un spécimen, ne prenez aucun risque. Photographiez l’insecte, si possible en notant bien les détails : couleur dominante du corps, présence d’anneaux clairs ou foncés, couleur des pattes, type de vol observé.

Plusieurs options s’offrent ensuite à vous pour obtenir une confirmation. Dans chaque département, des référents bénévoles -formés par les organismes sanitaires comme la FREDON ou les groupements de défense sanitaire – peuvent vous aider à identifier l’espèce. Votre mairie dispose normalement de leurs coordonnées.

Des entreprises spécialisées dans la gestion des nuisibles, proposent également des diagnostics professionnels. Ces experts peuvent non seulement identifier l’espèce avec certitude, mais aussi vous conseiller sur les mesures à prendre si un nid est découvert à proximité.

En cas de découverte d’un nid suspect, n’intervenez jamais vous-même. Les risques sont réels. Si la colonie se sent menacée – particulièrement s’il s’agit de frelons asiatiques, qui défendent leur nid de manière collective – vous risquez une attaque de l’essaim entier. Les piqûres multiples peuvent alors survenir très rapidement et dans des cas extrêmes (choc anaphylactique…) votre vie pourrait se retrouver en danger.


L’importance de la vigilance collective

Dans le Jura, la progression du frelon asiatique fut assez lente. Le climat de nos montagnes ne lui est pas aussi favorable qu’aux plaines du sud-ouest. En 2015, seuls 76 nids avaient été découverts dans toute la région. Quelques individus avaient été observés dans l’Ain voisin, mais sans que les nids n’aient été retrouvés.

10 ans plus tard, cette situation est révolue. Chaque année, l’espèce a gagnée du terrain. Les hivers doux ont favorisés la survie des reines fondatrices. Et avec quelques colonies installées durablement, il était inévitable que la situation ne bascule.

C’est pourquoi chaque observation et chaque signalement compte. Plus les signalements sont précoces, plus les chances de contenir l’invasion sont grandes. Un nid détruit au printemps, c’est potentiellement des centaines de reines fondatrices qui ne partiront pas essaimer l’année suivante. Malgré le stade avancé de la colonisation, nous avons encore une fenêtre d’action efficace.


Apprendre à cohabiter avec le frelon européen

Un mot pour finir sur notre frelon autochtone, trop souvent malmené par erreur. Vespa crabro mérite notre respect et notre protection. Il fait partie intégrante de nos écosystèmes depuis des temps immémoriaux. Son rôle de prédateur d’insectes nuisibles – notamment des fausses teignes qui ravagent nos ruches – est précieux et doit etre considéré.

Ne détruisez jamais un nid de frelon européen par simple peur ou méconnaissance. Dans la plupart des cas, la cohabitation est parfaitement possible. Ces insectes sont pacifiques et n’attaquent que si leur nid est directement menacé. Si le nid se trouve dans un endroit problématique, faites appel à un professionnel qui saura évaluer la situation et, si nécessaire, procéder à un déplacement plutôt qu’à une destruction.

La nature nous enseigne que chaque espèce a sa place dans l’équilibre général, et le frelon européen en fait partie. Le frelon asiatique, quand à lui, introduit accidentellement, rompt cet équilibre. C’est cette nuance qu’il est important de comprendre et de transmettre autour de nous.

Maintenant que vous savez les reconnaître, ouvrez l’œil ce printemps. Et si vous apercevez cette silhouette sombre aux pattes jaunes en vol en stationnaire, vous saurez exactement ce que c’est et comment réagir.

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